Eloquence à l'Assemblée au Théâtre de l'Atelier
- Diane Delbecq
- 6 mai 2017
- 3 min de lecture

Joey Starr, comme on ne l'a jamais vu ! De la musique au cinéma, c'est maintenant au Théâtre de l'Atelier, en plein coeur de Montmartre, le temps de huit représentations exceptionnelles, que l'on découvre l'acteur. Cet homme, que rien ne prédestinait à une carrière artistique, nous révèle son amour de la langue française et avant tout de la France. Car Joey Star est un patriote. Quel bel hommage rendu à Jaurès, Hugo, Robespierre, Olympes de Gouges, Aimé Césaire, Simone Veil, l'Abbé Pierre...On le connaissait pour ses déclarations chocs et provocantes ou ses rôles marquants, par exemple dans le film Polisse de Maïwenn. On sait aussi qu'il est la voix française choisie pour interpréter James Baldwin, l'une des figures les plus emblématiques de l'antiracisme aux Etats-Unis, dans le documentaire I am not your negro, déjà nominé aux Oscars. Cet artiste engagé à la voix de feu ne cesse de nous étonner. Et c'est, dans ce même engagement politique, qu'il foule pour la première fois les planches du théâtre.
Quelle intensité ! Quelle puissance ! Quelle véhémence ! Une stature, une présence, une voix qui résonne, qui crie, qui ressent, et quelle voix ! Une voix faite pour le théâtre. C'est presque avec regret qu'on découvre Joey Starr sur une scène de théâtre aujourd'hui alors qu'il est si doué. En une heure, il nous transporte au fil des siècles et des époques, dans les traces d'un révolutionnaire puis dans les pas de Malraux, rendant ainsi hommage à la culture, et revendiquant que la culture soit ouverte à tous. Pleins de robustesse, de ferveur et d'impétuosité, les plus grands discours de l'Assemblée Nationale, prennent tout leur sens dans la bouche de Joey Starr et s'imprègnent d'une épaisseur inattendue.
Seul sur scène, tout de noir vêtu, il apparaît dans la plus grande sobriété, pour que notre attention se focalise uniquement sur ses paroles. Le décor lui aussi est neutre, sans le moindre artifice pour ne pas venir étouffer la puissance de ses déclamations. Un canapé en cuir et un pupitre disposés au centre de la scène viennent habiller ce parquet noir. Sur ce même pupitre est posé savamment un Iphone, que Joey Starr utilise de temps à autre, avec un brin d'humour, pour vérifier que son visage "tient le coup". De superbes jeu de lumières et de couleurs mettent en valeur l'intensité de la prouesse de l'acteur.
A travers Hugo et son discours sur la misère des peuples, Lamartine dénonçant le pouvoir et le vice, Aimé Césaire revendiquant les droits des peuples colonisés ou Olympes de Gouges, grande figure de la lutte pour les droits de la femme, c'est véritablement la voix du peuple, la voix des femmes, la voix des minorités ignorées et bafouées qui s'expriment. En fidèle défenseur de la liberté et de la fraternité, Starr rappelle les grandeurs et les troubles de notre pays, celles et ceux qui ont marqué sa destinée. ll prend corps dans ses figures emblématiques, qui ont défendu, combattu, agi pour la France et ses valeurs.
Chacun des discours a été choisi avec soin et leur modernité étonne. Lui-même en paraît presque déconcerté, quand il remarque que ces paroles, qui ont beau avoir été écrites près de trois siècles en arrière pour certaines, n'ont point perdue de leur superbe bien au contraire. Olympes de Gouges, première femme à s'exprimer à l'Assemblée Nationale, en est l'exemple fécond. Elle prononçait en 1792 un discours revendiquant les droits de la femme et de la citoyenne. C'est un coup de tonnerre qui éclate quand il lance son tonitruant "Femme réveille-toi", car ce n'est plus uniquement les mots d'Olympe de Gouges qu'il se contente de déclamer, c'est à nous qu'il s'adresse, nous les femmes qu'il pointe du doigt, qu'il regarde, nous à qui il lance un appel, comme pour nous faire réaliser que nos droits doivent constamment être revendiqués et protégés ! C'est d'ailleurs dans cette même veine et par le discours de Simone Veil que s'achève ce spectacle.
Une heure aura suffi pour nous faire revivre ces grandes figures, ces hommes et ces femmes qui ont chacun marqué l'histoire de notre pays et dont les visages sont parfois projetés sur un grand écran au fond de la scène. Dans la voix explosive de Joey Starr, c'est tout le peuple de France qui semble gronder et se rappeler à nous. Sa voix est à la fois touchante et pleine de justesse.
On sort de ce spectacle, avec un élan de fierté et de patriotisme pour qui nous sommes. Il fallait une voix pour faire revivre notre drapeau et ses emblèmes. Joey Starr les a fait revivre un à un, comme peu l'aurait fait. Victor Hugo disait "la vraie et grande éloquence est celle dans laquelle, même au moment calme, on sent le grondement d'une foule". Ce sera le mot de la fin.
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