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Suicides et pressions : à quand la libération de la parole des élèves de classes prépa ?

  • Diane Delbecq
  • 2 avr. 2019
  • 4 min de lecture


Quand l’Education nationale se décidera-t-elle enfin à ne plus passer sous silence les conditions parfois malsaines dans lesquelles vivent certains élèves en classes préparatoires ? Dans la matinée de ce 1er avril dernier, l'heure n'était pas au canular. Les médias ont annoncé qu’un élève en deuxième année de classe préparatoire (filière MP) au lycée Janson de Sailly (16ème) avait été retrouvé pendu dans sa chambre d’internat la nuit dernière. Cela aurait pu avoir lieu hier ou demain, le verdict aurait été le même : les non-dits perdurent et le manque d’informations à ce sujet est alarmant. Quelque soient les motivations ou les antécédents qui ont poussé cet étudiant à passer à l’acte, il ne fait aucun doute et il est même de l’ordre de l’évidence que le rythme effréné de la prépa – rendu d’autant plus intensif encore, à l’approche des concours – y ait contribué.


L'évènement s’est déroulé en l’occurrence dans un grand lycée parisien, et il suffit de tendre l'oreille pour savoir, qu'il s'agissait d'un établissement armé d'un prestige, d'une notoriété et d’une aura particulière. Logique était donc que la nouvelle fasse l’objet d’une certaine médiatisation auprès des journaux d'informations. Or en aurait-il été autrement pour un lycée de province moins illustre, moins notoire ? Aurait-il eu droit à cette même soudaine lumière ? Serait-il lui aussi passé aux faisceaux de l'opinion publique si une pareille histoire de suicides ou de pressions avait éclaté ? Sûrement que non. Sûrement, qu'hier ou demain, une semblable situation eut lieu ou aura lieu dans une autre classe de CPGE sans pourtant, qu'elle nous soit transmise ou que l'opinion publique en soit directement informée.


Du côté des médias, journalistes et éditorialistes ont préféré le silence coupable et l'indifférence polie. On voit quel niveau a atteint aujourd’hui le pouvoir de contestation en France ! Pire encore est le mutisme du côté de l’Education nationale, qui a préféré son inévitable stratégie du « rester flou ». Du moins a t-elle témoigné d’un réel déficit d’intérêt, d’un manque voire même d’une absence d’informations sur la manière dont se déroule l’enseignement en classe prépa, au lieu de s’y pencher plus sérieusement ou de proposer des réformes. En effet, on se souvient du 26 mars 2018 : la ministre de l’Enseignement supérieur Frédéric Vidal était l’invitée de Ruquier sur On n’est pas couché pour présenter la nouvelle plateforme d’orientation post-bac Parcoursup. Elle n’a cessée de défendre l’université mais lorsque qu'on l'interroge sur son avis au sujet des classes préparatoires, elle détourne la question et feint de ne pas la comprendre. A la fin de son intervention, pas un mot sur la prépa.


Plus d’un an après son intervention, rien n’a changé. A la rentrée 2018, le nombre d’étudiants intégrant une CPGE (Classes préparatoires aux grandes écoles) était d’environ 86 500. Sur les dix dernières années, leur nombre n’a cessé d’augmenter, et déjà le calendrier des échéances s'accélère : ils ne restent plus que quelques jours aux futurs bacheliers pour valider leur vœux sur la plateforme d'orientation Parcoursup ; et dans moins de six mois, des milliers de nouveaux bacheliers feront leur rentrée en classes préparatoires. Comment les pouvoirs publics peuvent alors témoigner de si peu d’intérêt sur une formation qui attire, inquiète et rassemble finalement autant d’élèves ? Tant qu’aucune réforme solide et concrète ne sera proposée, tant que les tabous sur une formation que l’on vante comme étant une classe d’excellence, comme des classes où se forment la soi-disante future élite de la nation resteront sous silence, le cercle infernal des suicides et des dépressions continuera inlassablement.

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Etant moi-même une élève en classe prépa au Lycée Henri IV, la visée de cet article n'est aucunement d'en faire le procès. Il s’agit en effet d’une formation d’excellence – qui est d’ailleurs une spécificité du système éducatif français, n’existant nulle part ailleurs. Les classes préparatoires – dans mon cas la prépa littéraire – sont sources d’un grand enrichissement personnel en termes de connaissances et de compétences mais aussi de créativité et d’échanges. L’ouverture intellectuelle à laquelle elle nous donne accès quotidiennement est une réelle chance.



Néanmoins, je considère que ce type de système présente également de nombreux dysfonctionnements et l’évènement d’hier en est le reflet. Car la prépa, c’est avant tout un type d’enseignement, un mode d’éducation très particulier, qui n’a pas évolué depuis des années : les dérives sont presque inhérentes à une formation comme celle-ci. Ces dérives qui existaient déjà hier, demeurent celles d’aujourd’hui, et continueront à être celles de demain si aucune politique volontariste de la part du gouvernement n’est menée.


Certes, la prépa exige des compétiteurs mais non de simples sportifs. Elle impose une force mentale, une santé physique et un soutien familial permanents. L'accès doit donc en être restreint : le suicide tragique du 1er avril révèle un recrutement défaillant. Il est donc urgent que les dossiers d'inscription des futurs préparationnaires imposent la double production d'un certificat de bonne santé psychologique et physique; l'obligation ou du moins une grande incitation de la part de l'établissement d'engager les élèves à participer à des activités sportives ou associatives tout au long de l'année pour s'évader de la pression scolaire. Enfin, il est nécessaire de renforcer l'information. En effet, si la parole des étudiants dans les universités se libèrent, s’ils expriment leur mécontentent, leur esprit de révolte - à l’image des derniers mouvements de grève pour dénoncer la situation précaire des étudiants étrangers - n’est-il pas temps que la parole des étudiants de classes prépa elle aussi se libère ? Qu’ils témoignent auprès des lycéens autant pour rappeler les aspects positifs et bénéfiques que cette formation peut offrir, que pour souligner les travers et les difficultés qu’elle peut cacher ? Sans ces quelques mesures de bon sens, le cercle vicieux des dépressions et des suicides se poursuivra tragiquement.


Car l'education est le socle sur lequel tout repose. Car l’éducation est le fondement, sans lequel la construction des citoyens de demain ne serait pas. Rien n’est plus beau et valorisant que de voir des élèves et des étudiants, se lever le matin le sourire aux lèvres, tout comme de voir des professeurs, désireux à l’idée de transmettre leur savoir. Rien ne serait donc plus attristant et accablant que de voir un type de système, jouer dans un sens diamétralement inverse, et qu’il puisse nuire à leur soif d’apprendre, bien plus qu’il ne la nourrisse.




Diane Delbecq


 
 
 

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