top of page

POST RÉCENTS : 

ME SUIVRE : 

  • Facebook Clean Grey
  • Twitter Clean Grey
  • Instagram Clean Grey

L'Avare au Théâtre de l'Odéon

  • Diane Delbecq
  • 30 juin 2018
  • 3 min de lecture


Jusqu’où une fascination maladive et un attrait effréné pour l’argent peuvent conduire un homme ? À la démence, à l’hystérie, à la névrose. Qu’on songe à la littérature aussi bien antique que contemporaine - La Marmite de Plaute au IIème siècle avant J.C, les fresques réalistes des romans de Balzac comme Eugénie Grandet - le cinéma avec Les Rapaces de Von Stroheim. Mais L’Avarede Molière demeure la véritable acmé de cette thématique. La réponse à cette question épineuse semble bien être celle-ci : l’avarice est un chemin tragique vers la destruction des relations avec autrui.


A l’heure du capitalisme industriel et de la surconsommation, l’un des sept péchés capitaux semble bel et bien être passé du péché à la vertu. Au fil des siècles, la figure de l’avare n’a de cesse de traverser les âges et les époques et demeure source de réprobations et d’affront pour certains, de railleries et de gausseries pour d’autres. Dès lors, le rapport à l’argent et sa symbolique ont particulièrement inspiré le metteur en scène Ludovic Lagarde, qui réengage dans sa nouvelle création artistique L’Avare. Il reste solidaire à la pièce tout en lui insufflant une nouvelle fièvre : la prose moliéresque se mêle à des séquences en rap ; les habits de cour de la fin du XVIIème siècle ont laissé place à des costumes modernes ; les traditionnels buissons laissent désormais découvrir un décor amovible et industriel.


A travers un dispositif scénique inédit, Ludovic Lagarde met brillamment en relief, aussi bien la mystique que la mécanique de l’argent. La scène figure un entrepôt industriel – encombré de caisses métalliques et de boîtes en carton – comme si l’espace domestique était lui-même devenu un lieu de commerce et de marchandisation. A mesure que la pièce progresse, la scène se dénude et s’appauvrit jusqu’à ne devenir que la confrontation ultime entre Harpagon et sa fameuse cassette qui renferme ses dix-mille écus d’or. Au-delà du décor, le metteur en scène a cherché a accentué de manière caricaturale l’avarice de son personnage. Harpagon campé par Laurent Poitrenaux est un sexagénaire veuf et vif et devient le bourreau autant de lui-même que de ses enfants. Terrifié à l’idée que l’on puisse lui dérober le moindre sou, celui-ci s’enferme dans une avarice obsédante et chacune des personnes qu’il croise devient l’objet d’une suspicion extrême, y compris vis-à-vis de ses enfants. A cet égard, la modernité du spectacle est omniprésente : grâce à son immense écran de télévision et sa commande tactile, Harpagon apparaît comme un homme ultra-connecté, pouvant observer à son aise les potentiels voleurs. Chacun devient « sous les yeux » de tout le monde, y compris les spectateurs qui, grâce à une étrange interaction entre les comédiens et le public, deviennent eux-mêmes source de défiance.


La direction d’acteurs est particulièrement épatante : chacune des scènes s’enchaine avec brio sous le rythme endiablé des stichomythies et des quiproquos. Les intonations, les mimiques et la gestuelle d’Harpagon parodient son avarice et parviennent à susciter chez le spectateur – malgré la noirceur apparente – le rire, faisant de lui un personnage loufoque et burlesque. La troupe de comédiens est elle-même remarquable notamment la performance des deux enfants d’Harpagon. Le rôle d’Elise adossé par la formidable Myrtille Bordier et celui de Cléante joué par Tom Politano nous émeuvent par leur folie de jeunesse, leur attachement à la liberté, leur jusqu’au-boutisme pour s’abstraire du joug du patriarcat. Si l’avarice est bien le cœur battant de la pièce, au-delà elle pose aussi une réflexion sur les rapports humains et la frustration qu’un tel aveuglement peut engager.


Cette pièce, de par son esthétisme, sa drôlerie et le modernisme de sa mise en scène, est à voir absolument !


Comentários


  • b-facebook
  • Twitter Round
  • Instagram Black Round
bottom of page