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Les Trois Soeurs au Théâtre de L'Odéon

  • Diane Delbecq
  • 16 déc. 2017
  • 3 min de lecture

Après Ibsen Huis présenté au dernier Festival d'Avignon, le metteur en scène australien Simon Stone propose cette fois-çi au Théâtre de l'Odéon, une immersion dans l'oeuvre tchékhovienne à travers une passionnante transposition des Trois Soeurs.


Quand le rideau se lève, le ton de la pièce est immédiatement donné. Dès les premières minutes, le spectateur se voit immergé dans un vaudeville contemporain tant la frivolité et l'inutilité des bavardages sont frappantes. Mais progressivement, la pièce subjugue le spectateur par le modernisme et l'esthétisme de la mise en scène dont la beauté lumineuse et les plans visuels rappellent les intérieurs d'appartements peints par David Hopper. Il y a aussi quelque chose du voyeurisme typique du film Fenêtre sur Cour d'Hitchcock.


En effet, cette proposition artistique émerveille le spectateur en ce qu'il lui insuffle un immense plaisir visuel. Le spectacle donne à découvrir une maison de verre mobile qui, tout en donnant le tournis au spectateur, laisse voir plusieurs pièces en même temps grâce à la perspective créée. Cette maison toute en baies vitrées est "ouverte sur le monde" et permet au spectateur de s'immiscer au coeur d'une intimité familiale singulière. Simon Stone met en scène avec brio le quotidien d'une famille bourgeoise du XXIème siècle autour de l'existence de trois soeurs Olga, Macha et Irina, qui vivent l'ère des nouvelles technologies et du consumérisme. Cette famille se retire dans cette maison de vacances juste avant Noël pour éparpiller dans la nature les cendres de leur père défunt. Au travers de ce canevas dramatique, le spectateur est plongé au coeur des problèmes, des déchirures et des crises qui peuvent coexister au sein d'une famille.

Comme dans ses précédentes créations théâtrales, Simon Stone assume sa liberté créatrice. Cette pièce se fait le miroir de notre société contemporaine. Déclin de l'esprit et de la culture, cette pièce nous parle d'hier comme d'aujourd'hui explorant les problématiques actuelles : Comment rester optimiste dans un monde qui va mal ? Comment garder la tête haute, dans un monde qui s'effondre car les hommes n'arrivent pas à assouvir leurs rêves de jeunesse ? Cette conception pessimiste de la vie nous invite à réfléchir. Les onze personnages qui composent cette famille dissertent sur la question des migrants, du Brexit, de l'élection de Donald Trump, du djihadisme. Cette pièce pose aussi la question de ce qu'est le bonheur, car tous ces personnages sont dans une quête effrénée de bonheur. Le metteur en scène s'emploie ainsi à décrypter ce mal du siècle qu'est le spleen chez la jeune génération. Leurs existences dissoutes en quête de reconnaissance familiale, leurs consciences à la recherche d'une passion amoureuse qui ne vient pas. Ces personnages idéalistes mènent une vie oisive en s'adonnant aux plaisirs et aux addictions brutes : l'amour, l'alcool, la drogue.


Mais voilà que surgit la vie réelle, la dure réalité dans toute son absurdité. Ces personnages rappellent ainsi toute la philosophie camusienne, qui se situe justement dans ce décalage entre l'homme et le monde. Au travers de cette mise en scène, Simon Stone affirme l'universalité du théâtre de Tchékhov dans la mesure où il valorise des thèmes comme la décomposition du couple, la mélancolie du temps qui passe, la place de l'homme dans la société, la famille en perdition, la solitude immense. Thèmes qui résonnent avec beaucoup de justesse aujourd'hui. Simon Stone montre ainsi l"étroite frontière qui existe entre le bien et le mal, la vertu et le vice et c'est toute la singularité et la complexité de l'homme qui s'offrent à nous. La tension des dialogues portée par cette troupe de comédiens rythment la scène : chacune des répliques cingle, se chevauche et s'entremêle. Ce spectacle vivant voit s'élancer sur scène onze acteurs qui marient auto-dérision et réflexions existentielles ; humour noir et légèreté typiquement hitchcockienne. Ces personnages sont fascinants par leur manière d'interroger le XXIème siècle naissant, si bien que l'authenticité de leurs actions, de leurs gestes et de leurs paroles se rassemblent dans une harmonie commune.


Cette mise en scène, poétique et truculente, est une relecture grandiose de l'oeuvre du dramaturge. Simon Stone a su réinvestir l'écriture libératrice et émancipatrice de Tchékhov pour proposer une création théâtrale revue à l'aune de la société en quête d'elle-même du XXIème siècle. "La vie est une mise en scène de la vie elle-même " s'écrit l'un des personnages dans un de ses monologues enfiévrés. Un mot qui résume à lui seul une philosophie de l'existence et de ses nécessaires désillusions.


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