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L'État de Siège au Théâtre de la Ville

  • Diane Delbecq
  • 8 avr. 2018
  • 3 min de lecture




Dans la programmation 2018 du Théâtre de la Ville figure L'Etat de Siège, l'une des pièces les moins connues écrites par Albert Camus en 1948, après les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale ; il s'agit d'une dénonciation implacable des régimes totalitaires. La troupe du Théâtre de la Ville interprète cette nouvelle création artistique sous la direction d'Emmanuel Demarcy-Mota, qui avait déjà mis en scène Ionseco Suite de Ionesco et Le Faiseur, de Balzac. Ce spectacle vivant d'une heure cinquante est une profonde réussite en ce que le metteur en scène compose une mise en scène d'un esthétisme et d'une intelligence à la fois rare et étonnante. La pensée de Camus se révèle là dans toute son entièreté.

La pièce du dramaturge s'ouvre en pleine nuit, dans une ville située en Espagne, calme et paisible si bien que le gouverneur est surnommé par son peuple le "roi de l'immobilité". Mais lorsque la Peste se déclare et se répand dans toute la ville, un sentiment de peur anime les habitants qui réagissent tous de manière différente à ce nouveau fléau qui menace l'avenir de leur ville. La Peste est incarnée par un homme, accompagné d'une mystérieuse et machiavélique secrétaire qui n'est autre que la Mort elle-même, et tout deux s'emparent subitement du pouvoir pour y instaurer un système de type dictatorial, censé rétablir l'ordre, la paix et la sécurité. Mais ce n'est qu'un leurre, car immédiatement, un système fondé sur une surveillance et un contrôle permanent, emprisonnent, confinent, écrasent et bafouent les habitants et leurs libertés individuelles. L'entrée dans l'ère du soupçon et de la peur symbolisée par une bureaucratie terrifiante, inhumaine et abusive qui multiplie les purges, les punitions, les massacres, les violences et les pseudo procès, a débuté. Désormais, chacun doit détenir une attestation d'existence pour se maintenir en vie. Les habitants sont incités à la dénonciation des malades, toute histoire d'amour s'avère impossible, et la séparation entre les hommes et les femmes devient obligatoire. Dans cet univers apocalyptique et terrifiant, seul un homme incarne la révolte : c'est Diego un médecin - interprété par le talentueux Matthieu Dessertine - qui prend conscience de la nécessité de venir en aide aux malades et de lutter contre le régime despotique au pouvoir. Sa foi en l'avenir et en l'homme, sa détermination à vouloir s'épanouir et vivre son histoire d'amour avec Victoria émeuvent le spectateur.


La mise en scène imaginée par Emmanuel Demarcy-Mota rend magnifiquement compte de la tension sombre et dramatique qui anime la pièce tout en restant fidèle aux thèmes de prédilection de l’œuvre camusienne notamment les jeux binaires entre la révolte et l’impuissance, l’engagement et le sacrifice, la lâcheté et le courage, la peur et la liberté. L'ensemble du dispositif scénique déployé par le metteur en scène est remarquable : qu'il s'agisse des éclatantes lumières signés par le duo formé d'Yves Collet et de Christophe Lemaire, des décors vertigineux et fantastiques, des créations sonores évocatrices - bruitages et musiques - signées David Lesser ou des créations vidéos de Mike Guermyet. Chacune des scènes s’enchaînent et se déroulent dans un chaos troublant qui laisse le spectateur stupéfait et le tient en haleine du début à la fin de la représentation. La tension, palpable, est matérialisée par l'ensemble du langage scénique et notamment par le jeu d'acteurs de la Troupe du Théâtre de la Ville qui campe avec force et conviction leurs personnages. Les comédiens se déplacent dans la salle de spectacle, et font participer le public à l'intrigue ; les intégrant ainsi au sein même de la tension dramatique qui se déroule sous leurs yeux. Tout ceci concourt à la force évocatrice de cette mise en scène aussi sombre qu'inquiétante, lumineuse que fantastique.


Cette pièce surgit comme un cri de colère, mais derrière ce cri foncièrement pessimiste, se cache en réalité le signe d'un triomphe à la vie, ultime recours face à l'absurdité du monde. Car cette pièce montre qu'une croyance en l'homme et une croyance en l'Autre est une manière de garder de l'espoir et de mener des actions politiques collectives pour changer la société. Si ette fable fantastique semble être d’une profonde noirceur, elle s’inscrit pourtant avec force dans l’actualité et met en perspective des questions clés : Comment vivre contre la peur ? Où exercer pleinement sa liberté dans un monde contraint ? Comment jouir de la vie et de son propre avenir dans un environnement où penchants extrémistes et attentats terroristes se succèdent ? Voilà ce qu'illustre la pièce L'Etat de Siège ! L'Art ? Une réponse à l'indicible !





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