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Flammes au Théâtre de la Tempête

  • Diane Delbecq
  • 19 nov. 2017
  • 3 min de lecture

​Après avoir embrassé les planches du dernier Festival d'Avignon, c'est désormais au Théâtre de la Tempête, au coeur du Bois de Vincennes qu'Ahmed Madani porte à la scène sa dernière création intitulée Flammes. Un spectacle vivant confectionné à partir d'un enchevêtrement de témoignages de dix jeunes femmes singulières, issues des banlieues franciliennes. Au travers de cette pièce, le metteur en scène emmène le spectateur dans un voyage d'une heure quarante-cinq le plongeant dans la réalité des minorités invisibles. Dix destins féminins, nées de parents émigrés, résidant en périphérie et qui cherchent leur chemin dans une France peu amène à l'étranger. Le regard qu'elles portent sur la France et les Français ressemble au regard ironique des héros persans de Montesquieu, Rica et Usbek...


Baskets au pied et sourire aux lèvres, cette troupe exclusivement féminine monte sur scène pour dérouler le fil rouge de leur propre vie, s'exprimer sur ce qu'elles ont de plus profond en elles, à travers le prisme de l'enfance et de l'adolescence. Face au public, courageusement, elles viennent chacune à leur tour au micro, raconter l'intime et la violence qu'elles subissent au quotidien. Cette "parole libérée" les invite à échanger autour de l'identité, du déterminisme social, de la culture mais aussi à aborder la question de la féminité.


Au travers de ces témoignages poignants, le spectateur découvre ainsi Inès, qui se confie sur le traumatisme de son excision à l'âge de quatre ans ; Chirine, une jeune femme titulaire d'une ceinture noire de karaté qui nous enseigne différentes techniques pour se défendre contre les violeurs, le témoignage plein de dérision et de gravité de la seule femme voilée de la troupe, une mère de cinq enfants, qui s'empare de l'histoire d'amour mythologique entre Ulysse et Pénolope pour revendiquer elle aussi ses droits en tant que mère, mais avant tout en tant que femme. Ou encore Laurène qui "a choisi d'être différente de sa différence" en s'émancipant des stéréotypes et en renversant les clichés. Leurs témoignages à vif nous transportent au coeur de leurs souffrances, parfois de leurs hontes ou de leurs complexes, mais c'est sûrement la phrase du professeur de Ludivine, qui nous restera en mémoire : "N'aies jamais honte d'où tu viens". Le metteur en scène parvient ainsi, en jonglant d'un récit à l'autre, à dessiner la grande banlieue entre drôlerie et cruauté.


Dénuée de tout artifice, la mise en scène est aussi pure et intime que le sont ces femmes. En toile de fond, un écran géant fait défiler des paysages et des visages, et dix chaises sont disposées de bout en bout sur la scène. L'éclat poétique de la pièce réside dans ce mélange étonnant entre musique, danse, mimiques et monologues. Les dix récits s'entrecoupent de séquences chorégraphiques et de subtiles morceaux musicaux signés par Christophe Séchet.


Performance physique et sonore de haute voltige, ce spectacle bouscule la paix des sens et hypnotise le spectateur, mêlant pleurs, rires, émotion et gravité. Toute cette pièce est baignée par l'éclat et l'énergie débordante et communicative de ces dix jeunes femmes, à la voix de feu et à l'allure flamboyante. Toutes rendent hommage au théâtre, à la danse, à la musique, bref à la culture qui les a sauvées de l'ennui et de la désespérance. Cette pièce aussi poétique que politique, aussi spontanée que pulsionnelle, aussi combative qu'émancipatrice s'entend comme un chant rageur en faveur de l'émancipation féminine. A toutes celles et ceux qui ne vont jamais au spectacle, à toutes celles et ceux qui conservent une image poussiéreuse du théâtre, courrez voir Flammes ! Vous en sortirez enthousiastes mais surtout avec un regard renouvelé sur la grande banlieue. Car il y a aux portes de Paris beaucoup de talent et d'énergie. Un grand bravo à Anissa Aou, Ludivine Bah, Chirine Boussaha, Laurène Dulymbois, Dana Fiaque, Yasmina Ghemzi, Maurine Ilahiri, Anissa Kaki, Haby N'Diaye et Inès Zahoré !



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